Les piègesJ'ai regroupé ici les erreurs les plus fréquentes et les plus graves. La forme (=comment c'est écrit) n'intervient pas car il suffit d'un bouquin de grammaire pour se corriger. Il y aurait trop à dire, de toute manière. Le fond (=ce qui est écrit) entre donc plus en ligne de compte. J'ai classé dans l'ordre d'importance les erreurs mais, sérieusement : si l'un d'eux manque, votre texte ne sera pas vraiment bon.
N.B. I : L'expérience est pour ainsi dire l'unique moyen d'éviter ces erreurs répétitives.
N.B. II : J'exagère beaucoup mais c'est pour le bien de tous... bon pis aussi pour me défouler, j'avoue.
1. Le bourrinisme "Soudain je tombe sur un minotaure... bon, je le meule mais cinquante voleurs en profitent pour m'attaquer. Regarde, je me suis entaillé le petit doigt en tuant le dernier !"Le bourrinisme est une suréavaluation d'un personnage de récit visant plus à flatter l'égo qu'autre chose. Très désagréable car généralisé. A éviter absolument. Tenez, une échelle du bourrinisme en prime, pour vous faire une idée :
- Citation :
- 0/10 : N'ose pas aller à un rendez-vous galant.
1/10 : Mieux vaut vivre lâche que mourir courageux.
2/10 : Guerrier honorable ou capitaine expérimenté.
3/10 : Il doit sauver le monde (rien que ça !?)
4/10 : Impossible de porter sa veste tant il y a de médailles.
5/10 : On lui confie toujours la quête pour sauver le monde. (subtile nuance...)
6/10 : Archaon le supplie de le grâcier, Teclis lui a tout apprit dans sa jeunesse.
7/10 : Ne se déplace jamais sans son sort d'apocalypse total et son armée personnelle.
8/10 : Deux dragons au déjeuner, trois au dîner parce qu'il est au régime.
9/10 : Le même, avec trois-quatre sauvetages du monde entre deux.
10/10 : Règles de Massues&Massacres(tm) : tout personnage à côté du héros est considéré comme mort.
Pour éviter de subir l'éternelle remarque
"Et la marmotte, elle met le chocolat dans le papier d'alu !", il existe quelques méthodes assez simples :
- Oublier l'énième embuscade des cinquante gobelins pour XPer son personnage. Ca sous-entend
se passer des combats ou actions inutiles.
-
S'imaginer un héros (un type auquel on tient)
parmi les adversaires. Radical, à mon avis la meilleure solution.
- Créer une auberge et
confronter son héros avec d'autres créations aussi bourrines : notez l'état de l'auberge après passage.
- Tenter une touche de
psychologie.
- Sortir en pleine rue et prendre l'attitude de votre personnage. Attention, ça fait mal.
Si malgré cela vous subissez toujours le syndrome grosbillismien, alors écrivez des histoires sur des snotlings, des esclaves ou des familiers.
2. La mise en page"Sept chapitres en un paragraphe : ce type est un champion !"Aérer son texte permet de
faciliter la lecture, la
compréhension du récit mais également de
moins irriter les yeux ! Des pavés de cinquante lignes en monobloc font fuir comme la peste les lecteurs et je suis un lecteur : alors gaffe.
Subjectivement, je dirais
qu'un paragraphe fait
entre dix et vingt lignes. A moins bien sûr que l'on soit un virtuose de la mise en page mais comme ils sont rares, on n'en parlera pas. J'ajoute personnellement que votre chapitre de deux paragraphes sur comment votre personnage a envahi Nuln (cf. grosbillisme) n'est pas un chapitre. Dans
un chapitre, on s'attend à voir
au moins dix paragraphes, tout de même ! Notez également qu'un chapitre ne sert pas à couper le texte quand il est trop long mais bien à
distinguer les diverses parties d'un texte. Avis aux intéressés.
Maintenant, la question ultime : comment faire pour l'éviter ? C'est pourtant simple... après dix ou vingt lignes de textes (levez les yeux de votre clavier pour voir où vous en êtes), appuyez sur [ENTER] - je répète pour ceux qui ont mal lu : [ENTER],
[ENTER], >>
[ENTER] << !!! - et continuez à écrire. Si vous avez appuyé suffisamment fort (sur la touche, à droite, la grosse avec une petite flèche dessus), normalement, votre traitement de texte est revenu à la ligne. Pour les chapitres, on se contentera de mettre un titre.
Et ne coupez pas n'importe où ! Séparez de préférence les événements, ne coupez pas en pleine action...
3. La ponctuation"la bataille faisait rage un vent violent alourdit l'air le magicien se préparait à une nouvelle incantation un souffle vigoureux l'entoura murmurant des prières éteintes je m'élançais contre lui traversant la foule avec rage il me toisa lourdement"La ponctuation permet au lecteur de
reprendre sa respiration au cours de la lecture, mais également de savoir qui fait quoi et de donner une belle
structure à votre phrase. L'enlever a un effet catastrophique sur la compréhension, ne faisant dans le meilleur des cas que ralentir.
Employer le point et
la majuscule semble être la logique même : et bien non. Les plus pressés balancent leurs phrases à la va-vite, omettant autant de signes que possible. Je note également que
le point-virgule et le
double-point ne sont pas souvent usités, alors qu'ils offrent énormément de possibilités. La ponctuation est votre amie (tant que vous savez la manier) et ses virtuoses sauront vous le prouver (mais ils sont rares...).
Donc, à moins que vous soyez l'un d'eux, voici ce que vous pouvez faire pour tenter de vous améliorer :
-
relire- relire à voix haute
- vous faire relire par un tiers
- relire, juste au cas où
- aller à la cave et gueuler vos phrases comme un malade... paraît que ça marche.
- écrire moins vite
- retrouver des ouvrages scolaires traitant du sujet.
4. Les transitions"Kitu regardait la sereine plaine d'un oeil attristé. Sa main balançait au-dessus du balcon, fatiguée. Kitu tua son quatrième adversaire et regarda la féroce mêlée avant de s'attaquer à un nouvel ennemi. La victoire était leur, Kitu fut acclamé."La transition est la partie de votre texte utilisée pour
passer d'un événement à un autre. Par exemple, si vous foutez votre personnage en prison puis que vous le faites tuer un méchant, il vous faudra expliquer comment il est sorti de prison. C'est une "transition", à moins que vous n'ayez déjà prévu quelque chose pour l'occasion.
Les transitions sont surtout utilisées pour les longs voyages ou les dîners dans une auberge. En fait, pour tout passage que l'on ne maîtrise pas, si on y réfléchit bien. Enfin bref : l'utiliser permettra au lecteur de ne pas se perdre ou de devoir ralentir dans l'histoire car
la transition formera
une continuité dans votre récit.
Pour un auteur, il est très difficile de deviner ce que le lecteur va trouver dans son histoire. Je propose quelques moyens de savoir si le passage est trop brusque, flou ou anachronique :
- au passage d'un paragraphe à un autre, vérifiez toujours. On ne sait jamais.
- au passage d'un chapitre à un autre, ça a de l'importance aussi.
- une fois la méga-scène passée, arrêtez d'écrire un instant pour essayer d'imaginer comment le lecteur va réagir à votre suite prévue.
- relire
5. Les solutions de facilité"Le guerrier vaincu allait mourir mais un tremblement de terre survint alors il a pu reprendre son arme à vingt mètres de là et achever le méchant."Le danger absolu du Freestyle est d'arriver à une fin. Vous avez engrangé des tas d'événements sans la moindre idée de leur rapport entre eux. J'ai vu des textes incapables de se terminer et leurs auteurs les abandonner parce qu'ils avaient perdu leur sens premier. Bref : lorsqu'on en arrive à un moment où on ne sait plus comment expliquer les faits, il y a fort à parier que la solution de facilité va apparaître. Notez que ça arrive aussi avec n'importe quel texte, suivant l'entrain de l'auteur.
La solution de facilité, c'est l'excuse bidon pour
expliquer une action vraisemblablement ardue, voire impossible. Par exemple, si vous voulez faire sortir votre personnage d'une prison vraiment bien défendue sans idée de secours, il vous faudra employer ladite solution de facilité en lui faisant soudoyer un garde ou trouver une trappe venue de nul part débouchant sur un ancien souterrain skaven creusé sans raison. C'est extrêmement affligeant pour le lecteur qui va pleurer après avoir lu tant de lignes pour un événement aussi minable. En outre, vous allez encore plus vous enfoncer dans l'inconnu, préparant une nouvelle solution de facilité.
Bien que vous ayez tous une sainte horreur de telles solutions d'extrême dénuement, voici quelques moyens d'échapper à leur attrait charmeur digne de Slaanesh :
- arrêter d'écrire et réfléchir un instant sur les innombrables possibilités
-
planifier son texte avant de l'écrire
- s'accorder qu'on ne peut plus rien faire et se laisser guider par son récit
-
rajouter des tas de couches
d'événements successives à sa solution de facilité : un peu comme des couches de peinture pour cacher l'aspect d'un mur.
-
relire- demander de l'aide
Dans tous les cas, ayez au moins un état de conscience : pensez à relever les yeux de votre clavier pour voir ce que vous avez écrit.
6. Le style Historique-narratif"Manuel scolaire, page 173 : Rabelais est d'abord moine. Né en 1494 à Chinon, en Tourraine, dans une famille d'avocats, il entre dès 1510 comme novice chez les Fransiscains où il tombe amoureux de Daisie. Rabelais, d'un air béat, vient vers elle est lui dit..."Lorsque l'auteur écrit une histoire, il a en tête (c'est souhaitable) tout l'historique de son personnage. Mais comme le lecteur ne le connaît pas encore et que le narrateur s'en fait une fierté, il va balancer aux yeux du lecteur toute sa belle connaissance en un paragraphe bien condensé. Puis il débute directement l'histoire, sans passer par la nécessaire transition (cf. transition). Allez savoir pourquoi, c'est normal pour lui.
Le changement est
très brusque pour
le lecteur vite déboussolé. Evidemment, puisqu'on passe d'un rythme annuel à un rythme presque journalier, voire même minuté. Bien sûr, certains utilisent le style historique puis, par une transition digne de louanges, arrivent à un style narratif romanesque. Mais dans la plupart des cas, on se plante magistralement. Normal : c'est une solution de facilité pour débuter son histoire.
Le plus simple pour éviter une pareille erreur est de
ne pas parler de l'historique de son personnage
dès le départ - ne serait-ce que pour laisser du mystère au lecteur - et d'engager directement le récit. Pour ceux qui ne peuvent pas l'éviter, il serait bon alors de veiller à faire une
transition digne de ce nom. A indiquer aussi qu'un texte, même en saga, entièrement écrit sous le mode historique, n'est pas exclu. Il faut juste alors voir dans quel limite on peut s'autoriser des dialogues. Dans tous les cas, mieux vaut se relire pour s'assurer de ne pas avoir fait d'erreur.
Et rassurez-vous : il sera toujours temps de
raconter l'histoire du personnage par les
dialogues, les allusions dans son
attitude ou de petits
flash-backs bien camouflés. Subtile...
7. L'importance / l'insistance"Et là, il vit sur la table une magnifique plume d'un gris vieillissant, [...]. On sentait transpirer de cet objet une force impalpable, une forme de [...] indescriptible. Il y avait dans cette plume trempée dans son pot d'encre à la forme évocatrices des [...] une forme de poésie propre à [...] qui nous charme encore. Mais Kitu s'en fichait bien pas mal."Il faut faire la différence entre des descriptions vagues (situation générale), des descriptions cadrées (description) et des descriptions poussées (détail). Un outil utile à l'écrivain est justement la description, qui lui permet de faire ressentir au lecteur l'ambiance du texte (sentiment). Mais il y a également un autre service rendu : celui de l'importance. Passer deux cents pages sur des égoûts, comme certains virtuoses savent le faire, ne facilite pas vraiment la lecture. De même, le petit chapeau de l'elfe et sa bague assortie aux boucles d'oreilles, on s'en branle !
Plus vous décrirez un objet, plus le lecteur s'y intéressera. La description d'une porte va faire dire au lecteur qu'elle recelle un secret. Décrire un marchand en ignorant le client à côté augmente l'importance du marchand aux yeux du lecteur. On peut aussi utiliser cette méthode pour intéresser le lecteur à quelque chose puis le surprendre en faisant agir un élément insignifiant (le voleur caché derrière l'armoire qui attaque lorsqu'on décrit le bureau).
Ce n'est pas vraiment un problème... mais comme la question a été posée, je précise. Plus on décrit, plus c'est important. C'est pourquoi on critiquera si le chef ultra-important n'a eu comme description que son épée et son casque.
Bon, c'est tout ce qu'il y a pour le moment. Si jamais quelqu'un a de petites astuces pour améliorer son texte, qu'il les donne. De même pour les pièges, dont on découvre toujours de nouveaux aspects.
Je suis évidemment à l'écoute de toute critique pour améliorer cette méthode de travail.