Un petit texte improvisé hier, mettant en scène deux de mes vieux personnages fétiches de Warhammer, que certains d'entre vous connaissent déjà : Tyris, ma très ancienne mage elfe que j'avais adaptée en druidesse pour WoW, et Durgan, le guerrier nain né pour le jdr v1 et qui a... comment dire... son franc-parler. Petite dédicace à Drudru. Bonne lecture ! Fine équipe
Le gobelin détalait comme un lapin, mais la hache naine le faucha violemment dans sa course, faisant voler une de ses petites jambes vertes dans une gerbe de sang noir. Durgan s’approcha et récupéra son arme avec un air satisfait, essuyant la lame maculée d’humeurs douteuses sur le revers de sa manche. La silhouette gracile d’une jeune elfe revêtue d’une longue robe bleu nuit émergea de la forêt.
« Ne fais pas ça, c’est dégoûtant…
-Bah, aucune importance, de toute façon je vais pas garder ces loques éternellement.
-Tu pourrais aussi les laver des fois, non ?
-Pourquoi ? »
Tyris laissa échapper un soupir et vint le rejoindre, son épée fine au coté. Le gobelin gesticulait toujours en gémissant lamentablement. Elle alla vers lui en tirant sa lame.
« Tu fais quoi là ? l’apostropha le nain.
-Je l’achève, tiens.
-Laisse-le clamser, c’est qu’une fiente d’orque de toute façon. Tu crois qu’il s’éclaterait pas à nous regarder nous vider de notre sang comme une vessie trop pleine ? Sans blague, il s’amuserait autant que moi, là.
-Charmante image, commenta-t-elle avec une grimace. Et depuis quand tu te compares à un gobelin ? »
Durgan lâcha un juron et s’avança pour fracasser le crâne du peau-verte d’un violent coup de hache. Tyris ferma les yeux un instant mais ne put réprimer un sourire devant la réaction de son compagnon. Sans épiloguer, il chassa les quelques éclaboussures de cervelle qui parsemaient sa barbe et repartit d’un pas vif sur le sentier.
« Les autres doivent être dans cette direction.
-Tu es sûr ?
-Evidemment que j’suis sûr. Ca pue autant que le fond de ma culotte, par là. Je vois pas de meilleur endroit où trouver ces raclures de latrines.
-Triste à dire, mais ça se tient, comme raisonnement… »
Elle le suivit sans rien dire, l’épée à la main, écartant les branches basses de son chemin, pestant contre les ronces qui accrochaient le bas de sa robe.
« J’aurais pas dû mettre ça…
-Je t’avais prévenue que ce serait moins pratique, chaton.
-Tu parles ! Tu as dit que ma tenue habituelle était mieux pour se faire payer des pintes. Enfin, tu as dit autre chose aussi, mais je préfère oublier.
-Tu devrais pas, c’était un compliment sincère, objecta-t-il avec un sourire grivois. En tout cas c’est bien ce que je dis, c’était plus pratique. Quand on est bien roulée, faut qu’ça serve.
-Bon, et si on se concentrait sur le boulot ? Regarde, les voilà. »
Ils débouchèrent sur une petite clairière où quelques rayons de soleil épars perçaient la voûte feuillue. En son centre, une idole grossièrement taillée et copieusement enduite d’excréments figurait le dieu des peaux-vertes, Gork. Ou peut-être Mork. Tout autour, les gobelins avaient dressé leurs tentes rudimentaires et jeté leurs paillasses crasseuses. La plupart dormaient, quelques uns somnolaient en jetant de vagues coups d’œil à la lisière de leur campement. Les deux mercenaires restèrent prudemment en retrait sous les arbres. Tyris fronça les sourcils en les comptant, son nez gracieux retroussé par l’odeur agressive du rassemblement.
« Il doit y en avoir une vingtaine… Quelques indésirables qu’il disait, l’autre…
-T’as les boules, poulette ?
-Ne m’appelle pas comme ça. Et non, j’ai pas peur, puisque je n’ai pas l’intention d’y aller.
-Ah, t’es vraiment pas marrante. On va quand même pas se débiner devant des saloperies de gobelins de mes deux, foi de Durgan Tranche-Sec !
-Tu veux mourir ou quoi ?
-Ha ! Mourir face à ces espèces de sous-merdes, ça m’ferait mal ! Non, je vais leur défoncer la gueule, leur exploser les rotules et leur arracher les oreilles pour t’en faire un collier !
-Euh… Non, merci, mais ça ira… T’auras qu’à les garder.
-Parfait, j’en ferai une soupe ! Allez, on y va !
-Attends, on peut pas attaquer comme ça ! »
Durgan la regarda de haut en bas et hocha la tête.
« T’as pas tort, ouais. Tiens-moi ça deux secondes, dit-il en lui donnant sa hache avant d’attraper un pan de la robe de l’elfe.
-Hé ! Mais qu’est-ce que tu fiches ?! »
Il tira un coup sec et déchira tout le bas de la tenue de Tyris, la laissant tout juste vêtue d’une courte jupe. Il la considéra d’un œil averti, fit un large sourire et cracha par terre.
« Non mais tu es dingue ou quoi ?!
-J’adore quand tu cries, ma belle, se moqua-t-il en reprenant son arme. En tout cas y’a pas à dire, maintenant c’est mieux, pour les yeux comme pour la baston ! Allez, on bouge maintenant, p’tite fesse ! »
Sans attendre l’assentiment de sa partenaire, le nain ponctua ses paroles d’une claque sur le postérieur de l’elfe et s’élança dans la clairière en beuglant, sa hache tournoyant au-dessus de sa tête. Tyris lâcha un juron exaspéré et lui emboîta le pas. Le premier gobelin sur le chemin de Durgan ne réalisa ce qui se passait que lorsque sa tête toucha la sol à quelques mètres de son corps. Une sentinelle un peu plus réactive que ses congénères tenta de s’interposer entre le nain et les dormeurs, et fut cueillie par un violent coup de bouclier qui fit craquer sa mâchoire et l’envoya rouler sur le sol jonché de déchets divers.
Les cris retentirent dans le camp, les peaux-vertes sortant de leur sommeil et fourbissant leurs armes primitives, épieux tordus, gourdins improvisés et haches ébréchées. Durgan était déjà au pied de l’idole, tranchant de droite et de gauche en criant des insultes à la face de ses victimes. Deux flèches se fichèrent dans son bouclier, et il en brisa les hampes d’un geste rageur en cherchant les tireurs du regard. Au moment où il les aperçut, ceux-ci encochaient de nouveaux traits sur leurs arcs. Avant qu’ils ne puissent tirer de nouveau, un rayon de lumière les frappa de plein fouet. Tyris incantait sans précipitation, abattant un par un les archers qui prenaient son compagnon pour cible. L’un d’eux jeta son dévolu sur elle, mais son tir ricocha sur une barrière invisible à quelques centimètres de sa tête. La riposte magique le frappa avec force, soulevant son corps frêle qui alla s’écraser contre un arbre.
Le nain reporta son attention sur les peaux-vertes qui l’encerclaient maintenant. Il n’aimait pas tellement tuer des gobelins. Ce n’était qu’un ramassis d’adversaires médiocres, chétifs et, chose rare, encore plus petits que lui. De ce fait, ses coups avaient tendance à les réduire en bouillie, et il était ainsi privé du plaisir de les entendre hurler de douleur ou d’horreur devant leurs membres manquants. Un vrai gâchis, se dit-il en fracassant une boîte crânienne d’un revers de hache. Ce genre de mission n’était vraiment pas à la mesure d’un guerrier tel que lui, mais toute prime était bonne à prendre. Il songeait sérieusement à offrir ses services à des groupes plus importants que ces misérables milices de village. Il sortit de sa rêverie lorsqu’un geyser de sang le toucha en plein visage, alors qu’il venait de séparer le dernier peau-verte de sa jambe gauche.
Il chercha Tyris du regard et la trouva en train d’embrocher un fuyard sur la pointe de sa lame d’une passe adroite. Bonne gamine, approuva-t-il en son for intérieur en écrasant la tête du gobelin blessé sous sa botte ferrée. La créature cessa de se tortiller, les bras tendus vers lui, et retomba en une masse de chair flasque.
« Bon bon bon, commenta Durgan en éructant un gros glaviot sur le gobelin mort. J’crois qu’on a fini, chaton.
-On dirait, oui, répondit-elle en rengainant son épée préalablement nettoyée sur la tunique de sa victime. Plus qu’à rentrer, alors…
-Nan, attends deux secondes. »
Durgan posa sa hache et tira son couteau, puis s’agenouilla au milieu du tas de cadavres. Avec des gestes experts, il commença à découper systématiquement l’oreille gauche de chaque gobelin. Tyris affichait un air écœuré.
« Mais… Je pensais pas que tu le ferais vraiment, quand même…
-C’est pas pour toi, patate. Tu crois que le type va gentiment nous refiler la prime si on lui rapporte pas une preuve qu’on leur a fait leur fête ?
-Oh… Je n’y avais pas songé…
-Et il paraît qu’c’est toi l’cerveau… Les employeurs, c’est qu’une bande d’escrocs qui cherchent à nous mettre profond à la première occasion. Enfin, surtout toi. Pour ça qu’il faut penser à tout, chaton. J’aime faire mon boulot proprement. Enfin, tu vois c’que j’veux dire.
-Oui, je vois. J’y penserai, à l’avenir.
-T’es une bonne petite. T’iras loin, si t’écoutes les bons conseils de tonton Durgan. Tiens, rends-toi utile, fais-leur les poches et crame donc toutes ces saletés après. »
Il acheva tranquillement sa répugnante besogne et entassa les trophées dans un sac de peau. Il ramassa sa hache pendant que Tyris mettait le feu au camp des gobelins d’une formule, usant de ses pouvoirs pour empêcher le brasier de se répandre. Il ne fallut que quelques minutes aux flammes surnaturelles pour nettoyer la zone de ses immondices. Lorsqu’il ne resta que des cendres, ils tournèrent les talons pour regagner le village.
*****
« Ca aura été une journée bien remplie, au moins, affirma Tyris lorsqu’ils eurent rejoint la route.
-Ouais. On va se faire un joli paquet avec ça, de quoi se barrer de ce trou à rats. On devrait aller faire un tour en ville, ça paie mieux et on s’emmerde moins.
-Pourquoi pas, ça fait un moment que je n’ai pas mis les pieds à Altdorf. Et puis je dois trouver une nouvelle robe, ajouta-t-elle en fusillant Durgan du regard.
-Ouais, ouais, bah, t’es très bien comme ça, si tu veux mon avis.
-Je trouve aussi, intervint une voix d’homme. »
Durgan et Tyris firent aussitôt volte-face en tirant leurs armes, surpris. Un homme dans la trentaine se tenait face à eux, souriant sous une fine moustache distinguée. Sa tenue rappelait celle d’un forestier, mais sa couleur ne se prêtait guère au camouflage et était agrémentée de broderies décoratives. Il souriait en croquant dans une belle pomme d’un rouge aussi vif que sa culotte moulante. Un rapide examen des alentours apprit aux deux compagnons qu’ils étaient cernés par une petite troupe d’hommes armés, quittant le couvert du sous-bois.
« Z’êtes qui, bordel ? Savez pas qu’il faut pas s’amuser à faire des blagues à Durgan Tranche-Sec, bande de merdeux ?
-Allons, allons, mon ami, ne vous emportez pas pour si peu, l’apaisa l’inconnu d’une voix suave au fort accent bretonnien. Je suis Ronan de Couronne, aventurier, et mes camarades ici présents et moi-mêmes nous baladions en quête d’une heureuse rencontre comme celle-ci. Nous ne sommes que d’honorables mécènes œuvrant dans un pur esprit de générosité au bien-être de nos humbles personnes.
-Ouais, en gros, vous êtes des connards de bandits.
-Oh, que de mauvaises vibrations, mon ami…
-Je suis pas ton ami, bouffon. Et si j’ai heurté ta sensibilité, t’as qu’à te casser, tu me pompes mon air. »
L’homme se raidit et sembla décider d’ignorer Durgan. Il prit son temps pour parcourir Tyris des yeux, semblant particulièrement apprécier sa prise du jour. L’elfe eut la désagréable impression d’être exposée à une foire aux bestiaux.
« Dites, si vous voulez me parler, mes yeux sont plus haut.
-Oh, mille fois pardon, gente damoiselle. Je n’ai pour excuser l’impudence de mon vil regard que l’incomparable splendeur de vos charmes hypnotiques. Oserai-je vous demander votre délicieux nom ?
-Je m’appelle Tyris…
-Sublime ! l’interrompit le chef des brigands, faisant virevolter sa pomme au-dessus de sa tête avant de la rattraper adroitement. Magnifique ! Tyris ! Ce prénom hante déjà mon cœur et mon esprit, les mettant au supplice ! Que ne ferais-je pas pour avoir l’insigne honneur, que dis-je, le divin privilège de m’abandonner à votre exquise présence !
-Vous… vous voulez faire quoi ? interrogea-t-elle en le dévisageant.
-Il dit qu’il veut t’asseoir sur ses cuisses et te faire rebondir dessus, de préférence sans tes fringues, intervint Durgan. A moins qu’il ne veuille juste que tu te mettes à genou et…
-Oui, ça va, j’avais saisi l’idée générale !
-Ben je sais pas, t’es encore innocente, alors…
-Durgan !
-Non mais je croyais que tu savais pas, comme t’as jamais…
-Tais-toi bon sang !
-C’est pas une tare à ton âge tu sais, chaton. J’veux dire, chez les nains, on prend notre temps, tu vois, et t’es encore qu’une gamine. Mais évidemment, je sais pas trop comment vous voyez ça chez les bouffeurs de salade…
-DURGAN ! »
Le nain se tut aussitôt devant l’expression courroucée de la jeune mage. La pomme du bandit paraissait bien pâle comparée au rouge qui avait gagné les joues de Tyris. Ronan s’était également tu, interloqué par leur échange. Son regard passa du nain bourru, sale et grossier au regard sombre à l’elfe gracieuse, élégante et séduisante aux yeux si doux, bien que pour l’heure, les-dits yeux jetaient d’inquiétants éclairs de fureur. Il s’éclaircit la gorge.
« Si je puis me permettre…
-La ferme !
-Mais je…
-Elle t’a dit la ferme, avertit Durgan.
-Enfin, c’est…
-MAIS TU VAS LA FERMER TA GUEULE OUI ?! »
Ronan se plia en deux, sa sensibilité, l’autre cette fois, heurtée de plein fouet par le pied pourtant léger de l’elfe, et tomba à genoux, les larmes aux yeux, devant un nain hilare.
« J’adore quand t’es vulgaire, chaton.
-La ferme, lança-t-elle en se drapant dans sa trop courte robe déchirée avec son restant de dignité. On rentre.
-Vendu, ma belle ! »
Ils se retournèrent sans s’occuper des autres bandits, abasourdis. D’une toute petite voix, à peine plus efféminée qu’auparavant, Ronan murmura : « mais vous attendez quoi pour buter cette traînée ? »
A peine les hommes avaient-ils fait un pas vers eux que l’enfer se déchaîna autour d’eux. Une lumière aveuglante les enveloppa, frappant le sol avec la force d’un éclair, éparpillant le groupe avec fracas tout autour de la route.
« Non mais oh… » grommelait Tyris à quelques pas de là, marchant sans se retourner, pendant que Durgan ricanait encore comme un imbécile en allant vider les poches des brigands sonnés et désormais beaucoup plus bronzés.
*****
« Une pour toi, une pour moi, une pour toi, une pour moi…
-Tu en as mis deux sur ton tas.
-Une pour toi, une pour moi…
-Hé, fais pas semblant de pas entendre. Tu as massacré ma robe, tu crois pas en plus que je vais te laisser te servir sur ma part ? »
Durgan leva le nez de la pile de pistoles d’argent et de couronnes d’or et considéra sa partenaire d’un œil torve. Tyris affichait sa sempiternelle petite moue à la fois bienveillante et désapprobatrice. Instinctivement, il changea d’expression et ne put s’empêcher de se radoucir, sans trop savoir pourquoi. Un autre aurait déjà reçu sa hache dans la figure pour avoir osé le traiter de voleur. Même s’il en était un. A contrecœur, il mélangea de nouveau les tas et reprit le partage en maugréant des insanités dans sa barbe noire. La jeune elfe le regardait faire avec un petit sourire amusé. Sa besogne achevée, le nain poussa l’une des deux piles vers elle et s’empressa d’empocher la sienne.
« Voilà, contente ?
-Tout à fait, approuva sa compagne avec un hochement de tête. Tu vois quand tu veux !
-T’as vraiment du bol que j’t’aime bien, chaton… »