Chapitre 1 : Aaranis
Vingt ans après la mort de son père, Aaranis était revenu à Tor Achare (Chrace) et était tombé dans une profonde dépression. On craignait pour sa santé mentale; il passait les cours de littérature, d’histoire et de philosophie à s’entraîner à l’épée, à l’arc et à la lance. Et quand il était à ces cours, il ne suivait rien et n’écoutait pas. Il semblait animé d’un désir de vengeance pur, et les gens qui le connaissaient évitaient de le croiser. Il finit par quitter la ville, bâtissant une cabane au plus profond des forêts de Chrace, vivant en solitaire.
Il chassait régulièrement, et devint bien vite aussi bon que les chasseurs expérimentés qu’il écoutait avec passion dans les tavernes de Tor Achare, rêvant de devenir comme eux, intrépides, rusés et forts comme des lions. Il vénérait Kurnus, le dieu de la chasse et de la forêt, et respectait ses engagements: ne tuer un animal que pour se sustenter, et ne pas le tuer par plaisir. Seuls les bêtes les plus féroces et dangereuses devaient être tuées. Il n’était armé que d’Elfondhir, la hache ancestrale et d’un arc de sa confection. Il était protégé par une tenue en cuir de daim et une paire de bottes, bien que l’armure de feu Daetharion fût présente dans la cabane, il ne la mettrait que lorsqu’il serait digne d’être un Lion Blanc, c’est-à-dire quand il aura tué un lion blanc, un animal féroce et impitoyable, qui fit don de son nom aux gardes du corps du Roi-Phénix.
Pour être sacré Lion Blanc, il fallait abattre l’animal éponyme seul et sans aide. Il cru de tout son cœur en être capable, en même temps, sa carrure l’autorisait. Il faisait environ deux mètres quinze, et quatre-vingt cinq kilos. Il avait une chevelure châtain, en queue de cheval, avait le même visage que son père, dur, impénétrable et sévère. Il avait la peau moins pâle que la plupart des Elfes.
Alors qu’il chassait, son arc à l’épaule et sa hache à la main, un bruit dans les fourrés attira son attention, il approcha lentement, prêt à abattre sa hache sur la première chose qui l’attaquerait. Alors qu’il approcha du buisson, une masse blanche et rugissante lui sauta dessus, mettant l’Elfe à terre. Il rétorqua aussitôt en envoyant valser son ennemi à l’aide de ses jambes à deux mètres devant lui, l’animal se releva aussitôt, Aaranis fit de même. Il put enfin voir son assaillant.
Devant lui se tenait un lion blanc adulte qui devait peser, à vue d’œil, deux cent cinquante kilos. Il devait chasser, lui aussi. Chacun était en face de sa proie, mais quand à savoir qui triompherait, c’était une autre histoire. Mais le chasseur était prêt à en découdre avec l’imposant animal, excité par l’idée que s’il gagnait, il serait digne de son père. Il chargea aussitôt à cette pensée, au grand étonnement de l’animal qui faisait tout pour intimider son adversaire. Ce qui ne l’empêcha pas de renvoyer l’Elfe d’un coup de patte rageur, le renvoyant à l’endroit ou il se tenait quelques instants plus tôt. Le lion profita de ce moment pour sauter sur le chasseur étendu par terre qui, surpris, bloqua les crocs de l’animal avec le manche d’Elfondhir, donna un coup de pied dans les côtes de l’animal, le faisait ainsi reculer, et, sonné, l’animal ne vit pas la lame de la hache foncer vers sa gorge, le tuant sur le coup. Aaranis s’effondra, essoufflé.
Quand sa respiration devint plus régulière, il se leva et alla contempler le cadavre de son adversaire. Le coup de hache avait tué net l’animal et il se vidait lentement de son sang. Un sourire éclaira son visage, il avait gagné ! Il pouvait à présent dépecer l’animal et porter sa peau en signe de sa victoire, revendiquer le titre de Lion Blanc et porter l’armure de son père ! Des larmes de joie couraient maintenant sur son visage, habituellement si sombre et triste.
Il traîna le corps de l’animal jusqu'à sa cabane, d’où il dépeça l’animal et sala la peau. Après quelques jours, il la tanna, saisit avec respect l’armure son père pour y enlever l’ancienne peau du lion. Remarquant que l’armure avait grand besoin d’entretien, il la nettoya et la polit avec vigueur. L’armure semblait flambant neuve, il remplaça la peau par celle du lion qu’Aaranis avait tué et plaça sa tête sur l’épaule droite, la crinière dans le dos. Avec la peau du corps de l’animal, il se tailla une courte robe, arrivant aux genoux et laissant voir les jambes. Enfin, l’armure était finie. Mais il était trop tard pour l’essayer, le travail de la journée l’ayant épuisé, il s’endormit vite, rêvant de la gloire de son père et s’imaginant portant son armure.