Des flammes comme des monstres de cauchemar.
Des paturages d'herbe grasse sous le soleil de printemps.
Les interminables colonnes de fumée noire dans le ciel.
La douceur d'une brise sur le chemin de montagne.
- Je dois partir.
Voix aiguë, juvénile, lourde de l'accent du défilé, empreinte d'embarras, confuse plus que décidée.
Le visage lisse et sale à la chevelure noire en bataille, Martin le détourne en même temps que son regard, tant du village en ruines que de la grande fille qui court dans sa direction. Pleine de vie, sa crinière emportée par la course, les bords de son bliaud soulevés dans sa précipitation, elle retrouve une beauté que la dure vie de campagne efface en chaque habitant.
Le jeune homme ne peut pas fuir, pas maintenant qu'il s'est retourné, pétrifié à l'idée de la confrontation. Son prénom déjà ? Cassandra, la fille du forgeron la nièce du précepteur, qui entre tous l'a choisi.
Il part.
- Martin !
L'interpellé serre dans sa main le manche de son arme, une épée de mauvaise facture à la lame presque neuve. L'arme du forgeron, un cadeau, une nouvelle entrave. Ce gilet aussi, qu'il porte par-dessus la chemise rapiécée du paysan, il le doit au père. Puis il y a Cassandra.
Elle l'a rejoint, leurs regards se croisent encore. Toute l'énergie de la grande fille s'évanouit soudain, happé par sa course et ces yeux bruns qui ne lui appartiennent pas.
- Pars-tu ?
- Je le dois.
Les mots, les flots de raisons ne l'arrêteront pas. Même les fleurs naissantes du printemps et leurs parfums enivrants ne suffiront plus. Sortie de dessous les poutres écroulées de sa maison, la mère Delatour repose à présent dans la fosse commune, près de l'aïeul décédé plus tôt. Il ne part pas à cause de la destruction, seulement à cause d'un ouvrage à la couverture rouge portant une armoirie oubliée à gueule de renard, à cause d'un livre que plus personne à Delémont ne pouvait lire et qui a brûlé dans l'attaque.
Ce ne sont pas les orques qui le font fuir, c'est l'armoirie qui l'appelle. Ses suppliques ses insultes n'y pourront rien.
- Je reviendrai. déclara Martin en s'éloignant.
- Jamais ! Disparais, langue de vipère, bâtard !
Elle s'effondre en pleurs comme la petite tour de guet en pierre sous les coups de l'adversaire. Martin ne se retourne pas, un seul rêve en tête désormais : devenir chevalier.
Il a le Reikland devant lui...
[HRP Je peux rajouter un passage "parasite" après les trois points de suspension pour résumer comment un jeune homme sans le sou a pu finir mercenaire, mais ça me paraît... évident ? HRP]